Rodolphe Rubattel (1896-1961)

Grandes figures vaudoises


Né en 1896 à Villarzel, Rodolphe Rubattel vient d’un milieu marqué par la politique: son père, conseiller national et d’Etat, est le beau-frère de Jean-Louis Chuard, conseiller d’Etat et père d’Ernest Chuard. Après ses études de droit à l’Université de Lausanne, précédées par un semestre en théologie au cours duquel il entre à Helvétia, il se passionne pour les questions agricoles. Il leur consacre sa thèse de doctorat, qu’il complète par un stage auprès de l’Union suisse des paysans, à Brugg. Il entame ensuite une carrière journalistique, qui l’emmène à la direction de La Feuille d’Avis de Montreux puis à la rédaction en chef de La Tribune de Lausanne, de 1921 à 1924, et de La Feuille d’Avis de Lausanne, de 1925 à 1930.

Après un passage à la Confédération, au Département de l’économie publique, il reprend la direction de La Revue, en 1932. Cette année-là est importante pour Rubattel puisqu’il adhère désormais clairement au parti radical vaudois, dont il assume désormais la vice-présidence. Jusque-là, Rubattel avait eu la réputation, par sa fréquentation assidue des milieux agricoles où il était manifestement bien en cour, de lorgner plutôt vers le parti agrarien, à la participation duquel il a semble-t-il participé, en 1921. Cette même année, lorsqu’il succède à Maxime Reymond, un autodidacte et futur historien éminent qui permettra au radicalisme vaudois de pénétrer la mouvance catholique vaudoise, à la tête de La Feuille d’Avis de Lausanne, les radicaux considérèrent d’ailleurs le journal comme perdu pour leur cause. Rubattel fut même accusé de velléités gauchisantes, à l’instar du parti agrarien, souvent enclin à se rapprocher des socialistes, voire des communistes, pour mieux étayer son antiradicalisme. C’est donc en radical de fraîche date qu’il entre au Grand Conseil, en 1933, bien qu’il eût témoigné de sa proximité des idéaux radicaux depuis plus longtemps, d’une part par son appartenance à Helvétia et, d’autre part, par les chroniques agricoles qu’il livrait régulièrement, sous un pseudonyme, au journal qu’il est maintenant appelé à diriger.

Dès avant son engagement aux côtés des radicaux, Rubattel s’illustre par un intérêt poussé pour le corporatisme, auquel il se rallie en 1927. C’est toutefois moins une approche philosophique, comme chez Rochat, qu’une vision des relations entre la politique et l’économie qui l’oriente vers cette doctrine. Intéressé par les réflexions alors en vogue sur la rationalisation ordonnée des processus économiques, par le biais de la standardisation, il se prononce pour une économie mieux organisée dans un monde livré au combat entre le libéralisme débridé et un socialisme à forts relents communistes. Rubattel se distanciera d’ailleurs de façon très nette, et dès le début, des expériences italiennes et allemandes. Pour lui, le politique a fait faillite en étouffant l’économie de multiples réglementations protectrices. Il s’agit donc d’investir désormais tous ses efforts dans une meilleure organisation de l’économie, seule à même de régénérer le fonctionnement de l’Etat. Le corporatisme se présente ainsi comme l’instrument de ce renouveau, qui instaurera la collaboration entre les classes au nom de l’efficacité, en lieu et place de luttes stériles et dangereuses. Au Grand Conseil, Rubattel se distingue par des propositions assez musclées, contre les enseignants qui refusent de servir ou pour un impôt touchant les célibataires et les doubles revenus, mais aussi, en bon corporatiste, pour l’octroi de la force obligatoire aux conventions collectives de travail.

Rubattel s’éloigne cinq ans durant de la politique active, lorsque lui a été confiée, en 1939, la direction de l’Hôpital cantonal. Il fête toutefois son retour en 1944, en accédant au Conseil d’Etat, au Département de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. La situation qu’il est appelé à gérer n’est pas simple, en tant qu’il doit négocier le virage de l’après-guerre. C’est le même type de problème qu’il devra résoudre à partir de 1947, lorsqu’il est élu au Conseil fédéral, malgré le peu de connections qu’il possède avec le monde parlementaire. Rubattel sera le seul conseiller fédéral vaudois à n’avoir pas eu à suivre le parcours traditionnel de tout aspirant aux plus hautes charges, un parcours qui passe normalement par un séjour plus ou moins long aux Chambres fédérales…

Obsédé par le rétablissement de la stabilité, économique et monétaire, en Suisse au lendemain du second conflit mondial, le nouveau chef du Département de l’économie publique doit constamment jouer entre ses objectifs libéraux sur le plan économique et une nécessité interventionniste de la part de l’Etat, à laquelle il ne rechigne d’ailleurs pas. Prompt à aider l’agriculture, il incite patronat et syndicats à la collaboration, dans l’esprit de la Paix du travail signée en 1937, et elle-même résultat indirect de l’émergence de la pensée corporatiste en Suisse. Il parviendra ainsi à assurer la sortie de l’économie de guerre. Affaibli dans sa santé, Rubattel démissionne en 1954, au terme de son année présidentielle. Il décédera en 1961.

© Olivier Meuwly, Lausanne 2003

Publié le 1 janvier 2023

Autres publications


Le Bulletin du mois de février 2005


Editorial Après les cérémonies du 24 Janvier… Débat du 23 février 2005 Le radicalisme à la reconquête de son pouvoir perdu Assemblée générale ordinaire Jeudi 10 mars 2005 à 20 h 30 Débat L’écologie est-elle...

Lire la suite

1 février 2005

Le Bulletin du mois de novembre 2007


Editorial Parlons de nous en bien! Colloque Journée consacrée à Ferdinand Lecomte, 1er décembre 2007 Soirée annuelle Samedi 1er décembre 2007 dès 19h au Lausanne-Palace Dossier sur l’apprentissage Apprentissage: côté pratique A l’encre sympathique… Hommage...

Lire la suite

1 novembre 2007

Le Bulletin du mois de mai 2010


Editorial Chère mobilité… Visite apéro Visite du Rolex Learning Center le mardi 22 juin 2010 à 16h55 Sortie d’été La Praire du Grütli, samedi 26 juin 2010 Dossier sur le roley learning center de l’epfl...

Lire la suite

1 mai 2010

Le Bulletin du mois d’août 2013


Editorial Il sommeille en nous! Pays de vaud, vu du ciel Concours devinette Visite-apéro Le jeudi 12 ou le jeudi 19 septembre à 18h00 au Château de Morges, “Exposition sur les services secrets” Dossier sur...

Lire la suite

1 août 2013

Le Bulletin du mois d’août 2012


Editorial L’argent, on en a tous besoin! Pays de vaud, vu du ciel Concours devinette Visite apéro 25 septembre à 17h30: dans les coulisses des cuisines du CHUV Dossier “la paix du travail” La Paix...

Lire la suite

1 août 2012

Constant Fornerod (1819-1899)


Constant Fornerod, homme d’État et conseiller fédéral, a marqué la Suisse par son rôle dans la neutralité helvétique, la gestion de crises et son parcours politique avant une fin de vie difficile.

Lire la suite

1 janvier 2023