Camille Decoppet (1862-1925)
Grandes figures vaudoises
Né en 1862 à Suscévaz, Camille Decoppet fait partie de cette grosse escouade de jeunes étudiants en droit qui aura l’honneur d’être remarquée par Louis Ruchonnet et qui va mener très tôt une carrière politique, jusqu’aux sommets de l’Etat fédéral. Helvétien durant ses études, Decoppet obtient un doctorat en droit, qui lui permet de rencontrer Ruchonnet en privé à Berne, puis un brevet d’avocat. Formé dans une étude libérale, il s’associera ensuite avec son camarade helvétien Alphonse Dubuis, futur conseiller d’Etat. Etudiant, il suit avec passion les travaux de l’Assemblée constituante de 1884, au cours des longues soirées que sa société d’étudiants consacre à ce thème, et défilera avec elle au soir de l’adoption de la nouvelle Constitution. Cette Constitution s’inscrivait parfaitement dans sa philosophie politique.
Cette philosophie, Decoppet la transpose bientôt dans les Conseils de la nation, après avoir emprunté un certain temps la voie de la magistrature. Substitut du procureur en 1888, procureur général de 1890 à 1896, il est juge suppléant au Tribunal fédéral en 1896. L’intérêt pour les questions juridiques le tenaille et il publie notamment, avec Charles Soldan, une étude sur l’histoire de la peine de mort dans le canton de Vaud. Conseiller communal à Lausanne, il est député en 1897 et président du Grand Conseil en 1899 déjà. Elu au Conseil national cette année-là, il en sera le président en 1909.
Il reprend de Marc Ruchet le Département de l’instruction publique et des cultes dès son accession au Conseil d’Etat en 1900, après qu’il eut refusé un siège au Tribunal fédéral: il s’engagera pour l’instruction primaire, en créant la primaire supérieure, et secondaire, et inaugurera l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales à l’Université. Président de l’Association démocratique vaudoise, l’ancêtre du parti radical-démocratique, et du conseil d’administration de La Revue, il présidera aussi le parti suisse en 1911 et 1912. Sur le plan économique, il préside les conseils de la Caisse hypothécaire et de la Banque cantonale. De 1899 à 1902, il représente le canton au sein du conseil du Jura-Simplon. Il présidera également le Cercle démocratique en 1896.
Decoppet est élu au Conseil fédéral en 1912. Il dirige d’abord le Département de l’intérieur, puis celui de justice et police et, enfin, dès 1914, le Département militaire. A peine en fonction, il doit organiser la défense nationale alors que la première guerre mondiale est proche. C’est lui qui soutient la candidature d’Ulrich Wille au poste de général en chef de l’armée. Mais la position de Decoppet est délicate. Seul Romand au Conseil fédéral à ce moment, il passe pour un otage de la majorité alémanique, connue pour sa germanophilie affirmée. L’affaire dite des trains n’améliorera en rien le climat: suspectés de mal accepter un éventuel verdict de clémence à l’égard des colonels accusés de s’être entremis de façon abusive entre les Allemands et les alliés, les « Welsches » sont considérés avec méfiance par l’Etat-major, qui planifie un envoi de troupes dès le jugement connu. C’est Paul Maillefer, alors conseiller national, qui éventera le scandale, en 1916. Les relations de Decoppet avec sa région d’origine, y compris avec son canton, ne vont dès lors cesser de se durcir et c’est fatigué qu’il donne sa démission en 1919, pour reprendre la direction de l’Union postale universelle. Il conservera ce poste jusqu’à sa mort, en 1925.
© Olivier Meuwly, Lausanne 2003