Emile Paccaud (1836-1915)

Grandes figures vaudoises


Né en 1836 à Prévonloup, Emile Paccaud commence des études d’ingénieur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich puis, après un semestre, s’inscrit à la Faculté de droit de l’Académie de Lausanne et y obtient sa licence. Durant ses études, il fréquente la société d’étudiants Helvétia et y rencontre Louis Ruchonnet. Une forte amitié unira les deux hommes. Ensemble, ils reconstituent la société en 1857, après une suspension de la section vaudoise à la suite de la fusion, au niveau suisse, entre Helvétia et Zofingue; ensemble, ils contribueront à réorganiser le parti radical dans les années 1865-1866. C’est à Helvétia que Paccaud apprendra à se passionner pour la politique, au contact de Ruchonnet, qui saura enthousiasmer pour la chose publique plusieurs générations d’Helvétiens, selon les propres dires de Paccaud.

Sa licence en poche, Paccaud se tourne vers le journalisme. Rédacteur et copropriétaire du Démocrate de Payerne, journal de la gauche radicale, il accepte aussi de conduire Le Message populaire, la feuille de Meystre. En sa qualité de journaliste, il n’hésite pas à affronter crânement les autres organes de presse, radicaux ou conservateurs. En 1863, un échange d’aménités le conduit à un duel avec Emilien Chappuis-Vuichoud, alors député et rédacteur de L’Eclaireur d’Eytel. Sortis indemnes de l’aventure, les deux duellistes se réconcilieront plus tard et Chappuis-Vuichoud se ralliera au radicalisme de Ruchonnet, avant de reprendre la présidence du Cercle démocratique de Lausanne, lors de sa reconstitution en 1870, et la direction de l’Ecole normale. C’est en revanche par la voie judiciaire que Paccaud réglera son différend, dans les années 1880, avec un journaliste conservateur lors d’un procès retentissant.

Nommé intendant fédéral des poudres à Aubonne en 1863, Paccaud accompagne désormais Ruchonnet dans tous ses combats. Entré au Conseil communal d’Aubonne, il est membre du conseil général de l’Union vaudoise de crédit de 1869 à 1874 et participe activement à la création de La Revue, puis à sa transformation en quotidien, en 1878; il participe en outre activement à la création de l’Association démocratique vaudoise. Directeur des douanes à Lausanne dès 1873, il devient l’un des personnages les plus influents du Grand Conseil, dans lequel il siège de 1862 à 1905, pour le compte de sa circonscription broyarde. Lausannois, il tire désormais de nombreuses ficelles dans la capitale et son Conseil communal, où il se multiplie également. Franc-maçon, comme Ruchonnet, il ne renie pas la dimension sociale de son radicalisme: il participe au mouvement mutuelliste et apparaît parmi les animateurs de la société de Grutli, groupement des ouvriers vaudois arrimé jusqu’en 1890 au parti radical. Paccaud préside en outre le Cercle démocratique de Lausanne de 1873 à 1877.

Notable du radicalisme et spécialiste des questions financières, il appartient cependant à une tendance modérée du parti. Il s’était certes distingué, en 1877, comme l’un des principaux adversaires de Delarageaz, qui luttait désespérément contre la défalcation des dettes hypothécaires, et avait déchiqueté l’argumentaire du vieux révolutionnaire, truffé de références à Proudhon. Mais, s’il se bat pour l’impôt progressif lors des débats constitutionnels de 1884, il aurait été prêt à des aménagements avec les libéraux. Seul l’entêtement de ces derniers l’empêchera de dénicher une solution de compromis avec eux.

Son modérantisme lui attire cependant les foudres de Vessaz. Une rivalité certaine oppose les deux lieutenants, et fidèles compagnons de route, de Ruchonnet. Vessaz, peut-être jaloux de la vieille amitié qui lie son rival à Ruchonnet, ne tolère pas les oeillades que d’aucuns, parmi ses camarades de parti, adressent de façon trop ostentatoire, à ses yeux, aux libéraux. Il dénoncera toujours sans pitié auprès du maître ceux qui semblent échapper à la ligne, qu’il s’estime d’ailleurs seul en droit de dicter au parti. Vessaz s’acharne continuellement sur Paccaud, le voit derrière toutes les menées des libéraux contre sa politique ferroviaire, l’accuse de mener une politique personnelle. Le Broyard se contente de fustiger l’autoritarisme de Vessaz et son unilatéralisme en matière ferroviaire. Ruchonnet sera constamment sollicité pour ramener l’ordre dans la maison radicale.

Député et conseiller communal influent, Paccaud ne semble pas avoir convoité un siège dans un exécutif. Il se défendra toujours d’avoir manœuvré pour obtenir une place à la Municipalité de Lausanne, à la fin des années 1890. Il préfère de loin la vie économique, où il s’évertue à ficeler des montages financiers pour les projets inspirés par l’Etat, conduit par ses amis radicaux. Il est nommé en 1892 directeur de la Banque cantonale vaudoise, poste qu’il occupe jusqu’en 1900, et en 1892 également, est appelé à siéger au conseil d’administration de la compagnie du Jura-Simplon, qui venait d’être créée. De ce promontoire, il contemplera peut-être sans regret à la chute de Vessaz… Il meurt en 1915.

© Olivier Meuwly, Lausanne 2003

Publié le 1 janvier 2023

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