
Henri Guisan (1874-1960)
Grandes figures vaudoises
À peine leur indépendance proclamée, les Vaudois développent un esprit militaire particulier appelé à symboliser leur patriotisme enfin reconnu. L’érection du “Canton du Léman” en canton égal aux autres octroie au militaire une place centrale dans le dispositif politique en train de se mettre en place. Preuve à la fois de la fidélité des Vaudois à la Confédération et de leur volonté de défendre leur souveraineté contre toute tentative de remettre en cause l’ordre établi en 1803.
Le canton de Vaud fournira dès lors de nombreux officiers supérieurs à la Confédération. Le plus célèbre d’entre eux est Henri Guisan, commandant de l’armée suisse durant la Seconde Guerre mondiale et décédé exactement cinquante ans. Né à Mézières en 1874, il se passionne pour l’agriculture, exploite un domaine à Chesalles-sur-Oron, avant de partir à Pully où il mènera une existence de gentleman farmer. En parallèle, il suit une carrière militaire qu’il débute comme lieutenant d’artillerie. Passé plus tard dans l’infanterie, il commande un régiment à partir de 1916 puis devient colonel brigadier en 1921. En 1927, il se métamorphose en militaire professionnel en reprenant le commandement d’une division. Commandant de corps en 1932, il est élu à la tête de l’armée fédérale le 30 août 1939, par 204 voix sur 231.
Homme éminemment populaire, tant auprès des soldats que de la population, tant à l’ouest qu’à l’est de la Sarine, à l’aise en suisse allemand, Guisan ne pouvait que susciter la polémique. Conservateur attaché à la terre, patriote, brièvement sensible aux réformes mussoliniennes avant de repousser énergiquement tout rapprochement avec les puissances fasciste et nazie, Guisan a fait couler beaucoup d’encre. Était-il un grand stratège? Son système articulé sur le fameux “Réduit national” est encore discuté, mais il apparaît en tous les cas plus subtil que ne l’ont cru certains critiques. Et les risques qu’il a pris en poursuivant d’intenses discussions avec l’Etat-major français font également jaser.
Guisan marquera surtout les esprits par la volonté de résistance qu’il manifestera tout au long du conflit et qu’il transmettra au pays par d’innombrables visites auprès des civils et de la troupe. Regrettable ironie de l’histoire, le Vaudois Guisan s’entendra très mal avec son compatriote conseiller fédéral, Marcel Pilet-Golaz. La popularité dont il jouissait de son vivant, chose rare en Suisse, ne s’est pas effondrée au fil des décennies. En 1960, 300’000 personnes se pressent à ses obsèques, à Lausanne. Et cinquante années plus tard, il s’impose encore comme le Suisse le plus célèbre du XXe siècle…
Jean-Jacques Langendorf, Le Général Guisan et le peuple suisse, Cabédita, 2008
Jean-Jacques Langendorf, Le Général Guisan et l’esprit de résistance, Cabédita, 2010